Le secret de la diérèse
(inquiète = je est un autre ?)
J’ai passé plusieurs jours à écrire un long texte avec mon analyse des Romances sans paroles de Paul Verlaine. Et puis, j’ai décidé de tout effacer pour ne laisser finalement que la dernière trouvaille : le secret de la diérèse.
Je pense sincèrement que dans Beams (qui clôt le recueil), Verlaine fait très clairement (enfin, pas si clairement que ça, mais de manière appuyée) référence à la poésie de Rimbaud.
Que d’ailleurs tout le cycle “Aquarelles” est un hymne à la poésie rimbaldienne. Je ne vais pas recopier ce que j’ai effacé, mais Beams est l’aboutissement d’une recherche de la part de Verlaine à la poésie objective que prônait Rimbaud. Il résume cela dans la célèbre lettre à Izambard :
“C’est faux de dire : Je pense : on devrait dire : On me pense. – Pardon du jeu de mots. –
Je est un autre”
Je soutiens que la seule diérèse du poème “doucement in-qui-ète” (un qui êtes) est une citation déguisée de ce “Je est un autre”.
Voilà… j’avais envie de dire ça. J’ai tout un dossier qui étaye ma thèse, mais l’idéal serait d’organiser un concert Verlaine entrecoupée de lectures et séquences d’analyse…
Un programmateur intéressé ? Un théâtre ? Une salle de concert ? Une médiathèque ? Un conservatoire ? Une maison de la poésie ? Un centre Paul Verlaine ? Un département de lettres modernes ? …
😉
Beams
Elle voulut aller sur les bords de la mer,
Et comme un vent bénin soufflait une embellie,
Nous nous prêtâmes tous à sa belle folie,
Et nous voilà marchant par le chemin amer.
Le soleil luisait haut dans le ciel calme et lisse,
Et dans ses cheveux blonds c’étaient des rayons d’or,
Si bien que nous suivions son pas plus calme encor
Que le déroulement des vagues, ô délice !
Des oiseaux blancs volaient alentour mollement
Et des voiles au loin s’inclinaient toutes blanches.
Parfois de grands varechs filaient en longues branches,
Nos pieds glissaient d’un pur et large mouvement.
Elle se retourna, doucement inquiète
De ne nous croire pas pleinement rassurés,
Mais nous voyant joyeux d’être ses préférés,
Elle reprit sa route et portait haut la tête.