Artiste artisan
J’aime bien dire ou écrire ici et là que je suis un artiste artisan.
J’aime la formule, je sais en la disant que je ne mens pas, que je ne triche pas (je veux dire par là que ce n’est pas une posture), mais j’avoue ne pas maîtriser totalement ce que ça implique.
Pour lire un truc brillant sur le sujet, je vous conseille les bouquins d’Arthur Danto, mais là, j’avais juste envie d’écrire quelques bribes comme ça sur ce sujet. Un jour peut-être je réfléchirai à une conférence ou un spectacle autour de l’artisanat et l’art.
Depuis ma plus tendre enfance, la question artistique est au centre des discussions familiales. C’est une chance, bien sûr, mais ça m’a assez vite enlevé le côté magique de la création artistique.
“Aujourd’hui, j’ai fini de composer mon concerto pour alto” disait mon père. “Ce soir, on rentre tard, on joue les Brandebourgeois.”, disait ma mère… “Il y a du poulet dans le frigo” disaient-ils en chœur en mettant leurs habits de concert.
Normal, quoi.
En fait, pour moi, dès le début, l’art, c’était du travail (en latin, ars veut dire habileté, savoir-faire). Un travail top, enrichissant, sympa, mais un travail. Je ne pense pas que passer à côté de la “magie de la création” m’ait fait rater un seul plaisir artistique. Au contraire, j’ai toujours eu l’impression de profiter 100 fois plus que mes amis des spectacles ou concerts auxquels j’assistais, en partie parce que je me rendais un peu compte aussi du travail nécessaire pour arriver à ce résultat.
Un exemple : lorsqu’un magicien découpe son assistante avec une scie sauteuse, vous savez bien qu’il y a un truc. Le jeune enfant assis à votre droite l’ignore peut-être. Lequel des deux prend plus de plaisir ? Le petit terrifié ou vous ? Et est-ce qu’un magicien qui serait assis à votre gauche ne prendrait pas encore plus son pied à ne pas comprendre le tour de son confrère ?
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Sinon, rien à voir, ou presque, mais j’ai promis des bribes sur le sujet : j’aime cette phrase de Pierre Soulages :
L’artisan sait toujours où il va, l’artiste, pas forcément.
Il met la différence dans l’étonnement, dans la surprise que l’artiste peut ressentir face à ce qu’il vient de créer. Pas dans le travail qui existerait chez l’un et pas chez l’autre.
On entend souvent certains romanciers raconter que leurs personnages une fois créés ont décidé eux-mêmes de leurs parcours dans le livre. Il y a certainement du vrai là-dedans, mais dans ce cas, j’aimerais que l’auteur ou l’autrice explique tout le travail, la technique nécessaire pour avoir réussi à faire naître un personnage tellement fort qu’il puisse “lui-même” prendre en main sa destinée.
Certains devant un Picasso se seraient écriés : “Mon fils de 5 ans fait la même chose”. FAUX !
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Et puis bien sûr, comme tous les jeudis, continuons notre cycle “Un an de chansons” autour des poèmes de Jean-Luc Moreau. Cette semaine, Léonard semble un peu dans la lune…