C’est généralement par cette phrase “Ah ça, faut l’vendre” que se signe la fin des jolis projets. Vous n’avez jamais remarqué ?
Il arrive souvent que des artistes, de quelque niveau que ce soit, s’unissent pour produire un spectacle ou un concert, faisant fi des problèmes financiers. Juste parce que l’envie est là, le talent aussi et parce qu’on sent qu’il y a matière à produire quelque chose de satisfaisant.
D’argent, il ne sera donc pas question. On se débrouille, on trouve des solutions pas chères pour l’éventuel décor, pour les éventuels costumes ; tout le monde accepte de travailler bénévolement, de ne pas compter son temps, etc.
Parfois le succès est au rendez-vous. Applaudissements, félicitations en tout genre, bonheur partagé d’avoir réussi son pari et puis tout à coup, la phrase fatidique “Ah ça ! Faut le vendre !”. (ou une de ses variations : “Ah ça ! Faut en faire un CD ! (ou un DVD, un film, etc.)” Elle est parfois prononcée par l’un des artistes mais le plus souvent par quelqu’un de complètement étranger à l’affaire.
Alors l’idée fait son chemin : “Eh oui, si on le “vendait” ce spectacle ? Quand on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on entend parfois, on aurait tout à fait notre place dans telle ou telle programmation”. Et c’est parti ! Dossier de présentation (on prend généralement modèle sur un autre spectacle qui tourne déjà, mais ça occasionne quelques frais), posts sur Facebook, création d’un site internet (quelques frais aussi), blogs des amis, réseaux sociaux divers, démarchage (quelques frais encore, mais pourquoi ne pas le proposer à la scène nationale/au théâtre du Chatelet/à Bastille/à l’opéra de Sidney, ? C’est vrai, quoi, qui ne tente rien n’a rien…).
Et là, au bout de quelques mois, on comprend que Qui tente n’a souvent rien non plus. Vendre un spectacle, c’est un métier. Déterminer le prix de la production, évaluer sa popularité (souvent proche de zéro en fait, mais c’est dur à admettre), identifier ce qui pourrait être intéresser un programmateur… C’est vraiment un métier.
Souvent, en rédigeant la plaquette de présentation, on s’était plu à y croire un peu. Le succès n’était plus qu’à un timbre ou qu’à un clic. Mais les rares dates décrochées par la suite, seront à des kilomètres (le cachet couvrira peut-être tout juste les frais de transport et d’hébergement), dans une salle loin d’être prestigieuse, dans un cadre décalé par rapport à la production. Et finalement, tout le monde tombera de haut sans avoir décollé autrement qu’en rêvant.
Bon… J’écrivais ça, histoire de faire une pause. J’ai 120 feuillets à mettre en page. Je viens de terminer l’écriture d’un spectacle pour l’ensemble Romances sans paroles. Ça s’intitule “Paul Verlaine, mon mari”. Je crois, avec toute l’humilité et l’objectivité qui me caractérisent, que ça va être magnifique. On le crée les 2 et 3 avril dans le Gers, mais après, bien évidemment, faudra le vendre !
cet article date de mars 2016…