Le jeudi, c’est Léonie (6)

La musique est indispensable au cerveau

Les sons musicaux offrent une des bases du développement du langage. (Charles Darwin, 1871)

Je connaissais cette phrase, que j’ai toujours trouvée cool parce qu’elle justifiait un peu toute mon action de musicien et de pédagogue de la musique, mais je ne savais pas trop quoi en faire à part sortir de temps en temps « C’est Darwin qui le dit ! ».

Il y a quelques mois, je suis tombé là-dessus :

L’adaptation à la locomotion bipède a provoqué une diminution de la taille du canal de naissance (ou canal pelvi-génital) osseux en même temps que les exigences liées à l’utilisation d’outils ont favorisé la sélection de cerveaux plus gros. Ce dilemme obstétrique a été résolu par un accouchement du fœtus à un stade de développement beaucoup plus précoce. (Sherwood Washburn, anthropologue, dans les années 1960)

C’est à dire qu’en même temps que le cerveau de l’humain augmentait (il y a environ 2 millions d’années), il devenait bipède et donc modifiait son squelette en rétrécissant son bassin. D’où le « dilemme obstétrique ».

Quelle est donc la solution ? Faire sortir un bébé prématuré. Ça m’avait fasciné. Car oui, on le sait, le bébé humain est à sa naissance le plus immature des animaux.

Et là, vous êtes certainement dans le même état que moi avant de lire le formidable livre d’Emmanuel Bigand et Barbara Tillmann « La symphonie neuronale » : vous ne devez pas automatiquement faire le lien entre « Les sons musicaux offrent une des bases du développement du langage » et « le bébé humain naît très immature ».
Je me permets de copier des extraits des pages 55 à 57 de ce livre réjouissant :

Ce compromis [accoucher d’un bébé prématuré] a une conséquence fondamentale pour l’évolution de l’humain: il devient indispensable d’organiser la vie sociale pour assurer la prise en charge de ces nourrissons si fragiles.
Beaucoup de ressources doivent être dédiées à cela, car il ne s’agit pas simplement d’assurer la nourriture et de protéger les nourrissons des prédateurs, des intempéries ou des maladies. L’enjeu est d’assurer un environnement suffisamment stable et sécurisant sur le plan psychologique pour que toute l’énergie du nourrisson soit affectée à son développement physique neurophysiologique afin qu’il puisse survivre, s’épanouir et atteindre l’âge de se reproduire en bonne santé physique & psychologique. La qualité de la prise en charge affective du nourrisson et de la régulation émotionnelle qui s’opère avec les parents a des conséquences directes sur la neuroplasticité.

(…) Je coupe une partie pourtant très intéressante, achetez le livre !

Toute activité contribuant à augmenter la chance de survie et d’épanouissement des nourrissons a pu être l’objet d’une sélection adaptative. Les productions sonores présentent des avantages précieux, notamment lorsque les possibilités de contact sont limitées, à cause de la présence d’un ou plusieurs autres jeunes enfants, la réalisation d’autres tâches, ou simplement l’absence de visibilité. La vue du nouveau-né demeurant par ailleurs médiocre dans les premières semaines, la modalité auditive apparaît comme un substitut efficace au peau à peau: elle permet d’assurer un contact à distance en offrant une plus grande liberté d’action, et en s’affranchissant du champ de vision. Le cerveau du bébé étant incapable de traiter le contenu symbolique du langage, d’autres formes de communication émotionnelle non verbale sont nécessaires. Les activités musicales, tout particulièrement le chant, pourraient avoir été l’objet d’une sélection adaptative il y a 2 millions d’années car elles présentaient des avantages pour la prise en charge du nouveau-né, sa survie et son bon développement.

Ce livre est une mine d’or. On y découvre l’impact des expériences musicales prénatales, une assez longue démonstration sur la nécessité de “Musicaliser l’éducation”, l’explication des bienfaits de la musique (bienfaits psychologiques mais aussi physiques, notamment dans le cas de maladies neurologiques ou après un AVC)… Bref, un livre qui devrait être lu par quiconque s’occupe à quelque niveau que ce soit d’éducation (parents, instituteurs, professeurs de musique ou de quoi que ce soit d’autre…).

Merci à Céline Choquet pour cette découverte ! Je vous souhaite une excellente fin d’année.

 

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